Marcher Dialoguer Comprendre

Un chemin de formation aux Cercles de Dialogues

Responsable formation : Alain Simonin

Equipe : Dorothée Browaeys, Jean-René Brunetière, Leïla Hamidou,

Simone Berlan, Stéphane Garros, Sylvie Vincienne.

Initiée lors de l'assemblée générale de novembre 2020, cette formation s'est mise en route au cours du premier semestre 2021 et a permis aux participants d'expérimenter cette pratique.

Introduction 

Les Cercles de dialogue constituent une sorte d’identité de notre association. Temps forts d’écoute, de communion, de révélation les uns par les autres, ces Cercles ne s’improvisent pas. Alain Simonin qui en a une grande habitude a permis à un petit groupe volontaire de découvrir comment proposer, accompagner, et susciter cette pratique.

Sylvie en raconte ici l’expérience à l’intention des membres et amis de Compostelle-Cordoue intéressés par ce dispositif de dialogue, qui est inscrit dans l’ADN de l’association (les citations en italique sont celles, réaménagées, des participants au dernier cercle. Elles ont trait à l’échange consacré au thème : Moi le groupe et la pandémie)

Le point de départ de notre histoire

Il se situe à l’Assemblée Générale de Compostelle-Cordoue, tenue par Zoom le 14 novembre 2020. A cette occasion les participants à l’A.G. disent tout le bien qu’ils pensent des « Cercles de dialogue » vécus grâce à l’association. Ils souhaitent que ceux-ci puissent continuer à être proposés pendant les marches, éventuellement aussi à d’autres moments de rencontres, à d’autres groupes avec lesquels ils sont en lien... La nécessité d’une bonne préparation pour pouvoir répondre à ces attentes multiples me fait demander s’il serait possible que soit organisée une formation aux « Cercles de dialogue ».

Stéphane : J’ai espéré une vie nouvelle.

Retrouvera-t-on la proximité ?

La proposition est retenue rapidement par Alain, nous sommes déjà un petit groupe de trois personnes, bientôt élargi à six, prêts à nous lancer. Peu de temps après nous recevons les premiers éléments d’information concernant les « Cercles », relatifs à l’esprit, l’histoire et la méthode des « Cercles de dialogue ». Nous prévoyons alors avec Alain de commencer par un atelier en zoom, suivi d’une rencontre pour des exercices pratiques en présentiel à Paris au mois de mars et d’une mise en œuvre « grandeur nature » aux Printanières prévues à La Clarté-Dieu en avril.

Les conditions de la résonance

Pendant la première séance, nos échanges portent plus sur le « savoir-être » de l’animateur, que sur le « comment faire ». Chacun dans notre petit groupe a déjà eu l’occasion d’entrer dans un cercle de dialogue « en résonance » avec ce qu’une autre personne disait de son expérience vécue, par rapport à un thème proposé par l’animateur. Nous aurons donc à être vigilants à rester dans une expression en « je » et veiller à ce que chaque nouvel intervenant parvienne aussi à s’exprimer au titre de son expérience personnelle. Nous avons ressenti à quel point cette connexion par résonances successives des uns avec les autres pouvait être enrichissante. Nous travaillons à préciser ce que nous mettons sous ce terme de « résonance », qui peut être selon les cas positive ou négative. De même nous nous entendons sur le terme de « bienveillance », qui n’est pas un simple accueil pacifique de l’autre mais une dynamique active à « vivre en soi », que le groupe, au terme du cercle, aura fait progresser en son sein.

Alain : Je ressens aussi cette souffrance des autres,

sans pouvoir rien faire

Nous nous imprégnons des « règles » du Cercle et de son esprit, sans oublier le respect, l’éthique de la conversation et l’ouverture à l’humour. Le rôle du scribe est aussi abordé. Il n’est pas simplement là pour prendre des notes mais pour suivre le fil rouge de la discussion, relever l’évolution de ce qui est dit, les aspérités, temps-forts, signaler les singularités. Nous commençons à nous demander sérieusement combien de temps et d’expériences il va nous falloir pour réussir à faire tout ça en même temps… ! Nous prévoyons un second Zoom à préparer en se posant toutes les questions qui viennent après le premier.

Expérimenter pour éprouver les chausse-trappes

Deuxième séance : ce ne sont pas les questions qui manquent ! Rôle de chaque personne, du groupe, interactions entre la personne et le groupe, rôle de l’animateur, du scribe, finalité du cercle de dialogue, différence entre un cercle proposé à la fin d’une marche ou après des conférences… Tout cela est passé au crible, bravo Alain qui tient sous l’avalanche… ! Nous tentons une première animation d’un cercle (en visioconférence, une première qui s’impose en raison des restrictions dues à la pandémie du Covid,

Sujet de notre cercle : « Mon vécu dans le groupe de formation ». Nous nous rendons compte tout de suite à la fois de l’importance du rôle de la confiance dans le groupe et de la concentration nécessaire de l’animateur, pour que le groupe demeure dans une parole en « je », qui signe le fait qu’il reste dans le partage d’une expérience vécue.

Simone :Le malheur ne m’est pas prioritaire, 

mon repère, c’est Jésus

Nous avons beau en avoir intégré l’idée, ce n’est pas si simple ! L’attention est tout aussi

nécessaire à ne pas glisser du développement d’un parcours d’expériences à de simples expressions d’opinions. Nous sommes un peu déstabilisés, émus, pas sûrs du tout de pouvoir être compétents, un vrai défi parce que le désir de progresser et la force que nous reconnaissons à l’outil sont bien là. Le lien de confiance établi permet la reconnaissance de chacun, nous prenons conscience de l’importance du « climat » qui s’établit dans un cercle.

Des signes physiques pour se comprendre

Nous notons aussi, parce qu’il ne se produit pas en visioconférence, l’importance du « déplacement » que nous faisons habituellement en rejoignant le cercle avec notre chaise. Cette entrée que l’on vit avec son corps, matérialise un déplacement que nous faisons pour rejoindre le groupe, avec son poids de présence effective. Cet aspect nous manque. Conclusion évidente : nous apprenons beaucoup mais il faut continuer !

Sylvie : C’est un temps pour des relations plus profondes dans le groupe.

Troisième séance : nous nous sommes remis de nos émotions mais nous mesurons que le fait de ne pas être en présentiel accentue l’impression de difficulté que nous ressentons : « On ne plonge jamais dans le regard de l’autre », même si on peut repérer les sourires et hochement de têtes sur nos écrans. S’initier à la bienveillance suppose aussi la bienveillance par rapport à soi-même, il va falloir nous accepter avec nos fragilités. Nous voilà prêts pour une deuxième animation d’un cercle … en zoom !

Notre sujet : « Moi, le groupe, la pandémie ». Nous sommes en situation d’apprentissage et la relation de confiance entre nous permet que nous soyons vrais dans le « je » de notre expérience, dans la bienveillance d’une grande écoute. L’un des participant se jette à l’eau pour animer ce deuxième cercle, sur ce sujet délicat qui va se révéler d’une très grande richesse d’évocation de nos vécus. Les propos des conversants devant en principe rester confidentiels, nous ne détaillerons pas ici les interventions de chacun (exceptés les quelques citations qui parsèment ce texte pour illustrer la « présence » de chacun dans ce dialogue)

Leila : J’ai aussi vécu cette pandémie avec beaucoup de violence : les silences dans les couloirs, on ne reconnaît plus les personnes, la solitude des malades dans leur lit.

Comme un barrage à l’élan du cœur

La parole qui délivre et qui relie

Nous nous sommes trouvés dans une situation très paradoxale. « C’est la pandémie qui a fait exister ce groupe, tel qu’il est ». C’est-à-dire que d’un côté on vit soit les heurts et malheurs qui se rapportent à la pandémie, soit la culpabilité de traverser tout cela en situation relativement privilégiée, parfois les deux en contextes différents. On aimerait de toute façon sortir de cette pandémie, mais d’un autre côté, par elle, « des paroles sortent », celles, parfois douloureuses, qui nous sont confiées et celles qui naissent dans le groupe et qui nous font dire que nous progressons. Que cette pandémie puisse être pour nous une occasion de devenir meilleurs nous donne à penser. Un point de bascule a été atteint dans la discussion quand, après avoir évoqué le soin porté aux corps, est venue la question « oserons-nous aller vers le cœur des gens ? ». Elle a permis un échange mémorable sur l’attention à la personne en souffrance, suivi d’une nouvelle évolution à l’évocation de la prière.

Jean René: Je me sens totalement à l’abris des malheurs du monde,

mais j’y suis relié par la prière

Vous comprenez maintenant pourquoi j’ai parlé de « chemin de formation » dans le titre, et pourquoi j’ai repris la devise de Compostelle-Cordoue, « marcher-dialoguer-comprendre », c’est bien dans cet esprit que nous avons vécu cette formation : un chemin vécu ensemble, qui nous a vraiment relié.

Le scribe-témoin révèle notre cheminement, les bifurcations, les balises…

La quatrième séance nous permet de préciser la part qui revient au scribe après le cercle quand il reconstruit son discours pour faire ressortir le fil rouge de la discussion et ce qui s’est passé entre les participants, le chemin fait ensemble, quel itinéraire a été suivi, en passant par quelles étapes. C’est un temps de précisions, de reformulations. Le scribe doit noter les mots clés, les petites phrases, les limites, les décalages, les basculements, les émotions, les sentiments de libérations et de découverte de sens.

Conclusion

Nos séances de formation n’ont pas pu se concrétiser par l’animation prévue d’un cercle de dialogue lors de la printanière de Paris, celle-ci ayant dû être annulée en mode présentiel.

« Notre histoire » s’est déroulée dans la bienveillance, elle a fait sens pour chacun des participants à cette formation. Nous, espérons qu’elle pourra faire sens pour chacun d’entre vous, jusqu’à tenter l’aventure vous-mêmes, qui sait ? Nous vous y encourageons vivement.

Ajoutons qu’avec le recul, nous avons fait une découverte paradoxale : dans notre dernier cercle, nous voulions sortir de la pandémie, mais nous sommes étonnés de constater que la pandémie nous fait « sortir de nous-mêmes». Nous osons dire que malgré tout le mal auquel elle nous confronte et nous expose, elle nous a peut-être aussi rendu meilleurs. Un des étonnants paradoxes des cercles de dialogue ! D’un récit, ils deviennent une histoire nouvelle à vivre !

Un immense merci à Alain pour sa disponibilité, sa patience et son écoute et à toute l’équipe pour sa bienveillance.

Sylvie Vincienne

Toulouse. Avril 2021