Des centaines de personnes se sont donc rassemblées, venant du Maroc et du continent. L'association Compostelle-Cordoue s'est associée à cet événement en organisant une marche pour rejoindre les Marocains à Tanger. Les marcheurs se sont réunis symboliquement à Cordoue pour une conférence et une visite de la Mezquita. Ils ont ensuite rejoints Ronda par le train pour le départ effectif de la marche. 

Invitation

C’est à Cordoue en novembre 2010 que l’association Cheikh Alawi avait invité l’association Compostelle Cordoue au pèlerinage soufi de Moulay Abdesalam. Cinq d’entre nous ont donc répondu à l’invitation : les quatre auteurs de ce rapport et Mohamed Lamarti qui appartient aux deux associations, invitante et invitée.

Accueil

Lui et sa famille nous ont accueillis de façon très fraternelle le 5 et le 6 juillet à Tanger. Du 7 au 10 nous avons péleriné sur 30 km avec un groupe de quarante personnes, essentiellement des marocains, des algériens, et des marocains résidant à l’étranger. La logistique était remarquablement assurée par une trentaine de scouts musulmans venant d’Espagne, de France, de Belgique, des Pays-Bas, d’Allemagne et de Tanger.

Intégration

Un point majeur du bilan de nos ressentis : Nous avons été totalement intégrés au pèlerinage. Aucune gêne ressentie à aucun moment. Le deuxième fait majeur est la liberté ressentie, notamment de la part des femmes, dans un contexte de grande mixité de nationalités, d’âge, de cultures, d’expériences et de modes de vie, notamment vestimentaire.

Nous étions structurés en quatre groupes de dix, dont deux sous une responsabilité féminine et deux sous une responsabilité masculine. A noter la confiance et l’honneur qui nous a été fait : les deux hommes responsables de groupe – Mohamed et André – font partie de l’association CompCorde.

 

 

De lieu saint en lieu saint

Nous nous sommes approchés progressivement du but, allant de lieu saint en lieu saint. Ceux-ci sont gardés par des ermites avec qui nous échangions tranquillement par geste. Au mausolée de Sidi Mashish s’élève un chêne majestueux entouré d’un mur blanc. Il est entouré d’une esplanade en écorce de liège où nous avons dormi. Nous buvions de l’eau minérale transportée par la voiture suiveuse (aucun problème digestif pour nous quatre).

 

Accueil et cérémonie au mausolée de Moulay Abdelsalam

 

Cheikh BentounesL’accueil final était à la maison des soufis, à Moulay Abdesalam, par le Cheik Khaled Bentounès entouré de plusieurs dizaines de sages de la confrérie, tous en tenue blanche. Un accueil et un hommage particulier a été adressé à notre association. Enfin eût lieu la très émouvante cérémonie au mausolée de Moulay Abdesalam. La traduction a été assurée en trois langues par les participants avec leur savoir et leur cœur, et c’est probablement mieux et moins cher que par des traducteurs professionnels.

 

 

Prier ensemble

Dans les lieux saints, nous étions acceptés et régulièrement invités à partager prière, de chant et de méditation, sans contrainte, dans les formes et habitudes de notre culture. Pour ne citer que cet exemple, Michel a joué JS Bach « Jésus que ma joie demeure » à plusieurs reprises. Nous nous sommes complètement sentis respectés, en harmonie avec nos compagnons, et nous avons perçu chez eux une réelle joie de partager, et le désir de poursuivre ce partage ultérieurement.

Appel à la convivencia

Une autre fois, a été évoqué la prodigieuse « expérience de foi » de François d’Assise rencontrant le Sultan Al Kamil en 1219. Et nous avons souligné que Moulay Abdesalam (1163 -1228) était un contemporain de François, de même que Averroès, Maïmonide et Alphonse X. Nous avons alors dit avec force notre conviction que, depuis le début du XIIIème siècle, la terre, située de part et d’autre du Détroit, appelle les trois cultures à la convivencia.

 

La place donnée aux femmes

 

Nous avons également été très frappés par la place donnée aux femmes dans l’organisation, et particulièrement dans les temps de prières… Tous ont été très émus, le mot est faible, de voir et d’entendre l’appel à la prière chanté par une femme. Les chants de femmes nous guidaient spontanément lors de la marche,  pendant les repas, les pauses, les veillées. Durant les assises dans les lieux saints, ou bien encore lors du lavement des pieds dans le ruisseau.

Un guide remarquable

La marche a été guidée par une personne remarquable, d’une très grande culture et modestie, connaissant chaque lieu et chaque caillou du chemin : Moulay Ali Douezzane. Pour une bonne partie des marcheurs, il s’agissait de leur première expérience. Les étapes étaient donc adaptées en conséquence : rien le premier jour (briefing, connaissance réciproque, prières à Sidi Hedi…et nettoyage du site : petit travail collectif !), 10 km le deuxième jour, 10 km, le troisième et 10 km le quatrième. Donc pas mal de temps disponible pour se rencontrer, prier, découvrir les lieux traversés. Malgré cela, et au bout du compte … peu de temps de sommeil.

Une expérience à approfondir

Au-delà du pèlerinage, nous avons senti de la part des marocains une confiance manifestée par un accueil très chaleureux. Jamais nous n’avons ressenti de sentiment de malaise ou d’insécurité. De plus le pays est magnifique, les tarifs peu élevés, il fait frais la nuit, pas trop chaud le jour et pas de moustiques !!! Autant d’arguments pour approfondir et proposer cette expérience dans le futur.

Une logistique efficace assumée par les scouts

En terme de logistique, ce sont les scouts, et le staff autour de Driss Rennane et de Sophia Bentounes, qui ont assumé la totalité des tâches : repas, hébergement, toilettes sèches, voiture suiveuse, transport des personnes et du matériel (coût total par personne : 170 euros pour 5 jours), un boulot et une efficacité incroyable !

 

Soirées récréatives et retards

Les scouts avaient aussi prévu des soirées récréatives autour du feu, sympathiques, mais un peu longues. Il y a eu quelques retards pour les repas, sans doute parce qu’ils avaient prévu des repas organisés en milieu de journée (des pique-niques auraient suffi) et que cela a repoussé la préparation des dîners.

Remerciements

Merci à chacune, à chacun, pour cette preuve d’une possible et bienheureuse convivencia incarnée. Ce temps ensemble nous gardera au-delà du temps, au-delà de nos rêves, jusqu’à l’aube de notre prochaine naissance. Car personne ne nous enlèvera ce que nous avons vécu. Merci de tout cela.

Christiane et Michel Rouffet, Elisabeth Pigeon et André Weill