11 Jan 2016
Un partage très touchant... en écho d'une belle rencontre qui fut un moment magique
Des membres de la confrérie Alawiyya d'Algérie ont envoyé à l'antenne de Paris de Compostelle-Cordoue
le texte de la Lettre de Mgr Vesco, évêque d'Oran, pour Noël 2015 dont nous reprenons le titre pour cet article
En fin d'article, lien vers une video de la soirée.
L¹année qui vient de se terminer a été marquée par la violence barbare perpétrée au nom de Dieu. Cette violence a été assourdissante lorsqu¹elle a frappée la France à deux reprises, elle est passée presque inaperçue aux yeux du « monde » lorsqu¹elle a frappé quotidiennement en tant de lieux oubliés et négligés. Dans ce vacarme de la barbarie d¹un autre âge et d¹un islam défiguré et stigmatisé, le quotidien de nos vies en Église et en Algérie passe bien inaperçu. Il n¹est certes pas exempt d¹incompréhensions et de difficultés, mais il est aussi le témoin discret de tant d¹autres initiatives, de tant d¹autres paroles, de tant d¹autres gestes d¹humanité. Notre vocation est de les recueillir comme on recueille la rosée au matin pour s¹en abreuver, avec patience, en pensant que jamais elle ne suffira à étancher notre soif.
Et pourtant. Une des toutes dernières initiatives de l¹année est venue de nos frères de la Confrérie Alawyia qui ont proposé de venir célébrer Noël avec nous et fêter en même temps, avant la messe de minuit, la naissance de leur Prophète, laquelle, fait exceptionnel, tombait au même moment cette année. Un tel mélange des genres entre deux événements qui n¹ont pas la même signification ni la même place dans nos religions respectives pouvait apparaître déplacé, incongru ou artificiel. Il n¹en a rien été et chacun, chrétien ou musulman, a vécu cette nuit pour ce qu¹elle était : un pur moment de grâce. Personne ne parlera de cette initiative, elle ne fera jamais le bruit du tonnerre, tout juste celui d¹une brise légère qui dit que Dieu est présent quand musulmans et chrétiens sont réunis en son nom. Mais il n¹empêche que dans ces moments-là, lorsque nous prions ensemble chacun avec nos mots, la différence de nos fois apparaît avec encore plus de violence que lorsque nous nous jetons ces mêmes mots à la figure. Il ne va pas de soi pour des musulmans d¹entendre des chrétiens parler d¹un Dieu qui s¹est fait homme en la personne d¹un enfant présent dans la crèche qu¹ils ont sous les yeux. Il n¹est pas facile pour des chrétiens d¹entendre chanter, la nuit de Noël dans leur église, « Mohamed prophète d¹Allah » au côté des cantiques de leur enfance. C¹est pourtant le choix qui a été fait : prier ensemble chacun avec nos mots, sans chercher à affadir nos fois pour les rendre plus audibles par l¹autre. Il faut pour cela un climat de grande confiance et d¹infini respect de l¹autre différent. Cela ne se construit pas en un jour.
Pierre Claverie disait que nul ne possède Dieu, nul ne possède la vérité et nous avons besoin de la vérité de l¹autre. Un moment comme cette nuit de Noël et du Mawlid Ennabi célébrés en un même lieu, d¹un
seul coeur et à deux voix fait toucher du doigt à quel point la vérité de la foi de l¹autre est hors de ma portée. Je n¹y ai accès qu¹à travers des croyants que je reconnais, dans leur actes, dignes de foi. Alors l¹incompréhension née de la différence des religions peut devenir mystère. Oui, j¹ai besoin de la foi de l¹autre.
+ fr. Jean-Paul Vesco op
Ils ont envoyé ce lien vers une video de cette soirée.