Faire bouger le vent
Dimanche 7 décembre 2014. En ce dernier jour de nos Automnales, l’émotion est palpable dans le salon d’Edith. Pierre et Mustapha, nos amis de Vivre ensemble à Cannes, sont en train d’évoquer la création et les activités de leur association. Leur enthousiasme semble s’être communiqué à la vingtaine de personnes qui les entoure. J’essaie de comprendre ce qui me met moi aussi « en allégresse », pour parler comme Abouna Hani, notre jeune ami maronite libanais.
Pourquoi avons-nous fait le voyage de Toulouse, dans la grisaille et le froid subit de ce début d’hiver, venant de Paris, de Grenoble, de Châteauroux, de Genève, du Valais ?
Pas seulement pour admirer la basilique Saint-Sernin et la place du Capitole. Pas seulement pour écouter une conférence sur la convivencia dans l’Espagne du moyen âge. Pas seulement pour partager le shabbat avec une communauté juive. Pas seulement pour visionner le film rapporté par les pèlerins chrétiens et musulmans qui ont marché le printemps dernier sur les traces de Nicolas de Flue.
Si nous sommes venus c’est parce que, au milieu de ce monde en proie à la haine et à la barbarie, nous croyons que vivre ensemble est possible. Nous croyons, pour paraphraser une expression de Mustapha, que nous pouvons nous voir en miroir dans le visage de celui qui prie différemment son Dieu. Nous croyons qu’ensemble nous pouvons bâtir quelque chose qui nous dépasse. Nous croyons, avec Pierre, qu’il est de notre responsabilité de témoigner de notre espérance et d’incarner nos rêves.
Avant le concert de musique séfarade et ashkénaze de la veille, une dizaine de représentants d’associations toulousaines oeuvrant au mieux vivre ensemble dans leur région ont présenté leurs activités. Une femme, bénévole dans une organisation qui s’occupe de personnes présentant des handicaps psychiques, rapporte ce mot d’un enfant suivant des yeux les effets d’une rafale de vent : « Regarde, les feuilles font bouger le vent ».
Ce qui me rendait si heureuse en ce dimanche matin, c’était de percevoir la fraternité qui nous unissait et de pressentir l’horizon vers lequel nous étions tous en marche. La phrase de l’enfant trisomique m’est venue tout à coup à l’esprit : regarde, ils font bouger le vent.
Et si le Souffle pour pouvoir nous faire avancer avait besoin d’abord que nous nous mettions debout et que nous fassions le premier pas ?
Gabrielle Nanchen / ed.et © photos A. Weill