Bonjour aux enfants du collège d’Oscar Romero et à tous,

Après avoir quitté Kairouan je me suis rendu dans la vielle ville de Mahdia ou j’ai séjourné chez Moncef Ghachem à Borj Erras dans sa magnifique maison au pied de la mer. J’ai pu là y séjourner une dizaine de jours, et j’ai eu l’occasion de lire deux de ses livres que je recommande à tous : L'Épervier, nouvelles de Mahdia pour lequel il a reçu le prix Albert Camus en 1994 (ed. de l’Arganier), et un livre plus récent Mugelieres (éd. Apogée, Rennes, septembre 2010).

Après avoir été pêcheur avec son père, Moncef

a été très jeune reconnu et présenté au festival de Tabarka par Louis Aragon. Il est l’ami des plus grands en particulier de René Char et de Yannis Ritsos, dont il a été un des traducteurs de leur poésie en langue Arabe.

Hôte de la villa Médicis ou il a séjourné, il a reçu de nombreux prix, dont le prix Léopold Senghor pour l’ensemble de son œuvre et figure dans de nombreuses anthologies de poésie en langue française.  Il a reçu des mains de Lionel Jospin une décoration comme chevalier à l'Ordre des palmes académiques françaises. Mais il s’enorgueillit non sans malice d’être citoyen d’honneur de Rocamadour pèlerinage dans le pèlerinage de saint Jacques de Compostelle.

Ce séjour m’a permis de suivre en profondeur la vie de Mahdia et nous avons eu des discussions passionnées sur l’histoire de cette ville et de son passé en lien avec le monde Arabe. J’en ai encore le tournis de toutes ces rencontres avec les dizaines et dizaines de personnes de cette petite ville au passé si prestigieux et siège de cette dynastie si particulière des Fatimides avant son installation au Caire crée par elle. 

Dès que l’on s’assoie au café de son ami Abderazzaq, immédiatement d’anciennes connaissances se joignent à lui et j’écoute bouche bée, et Moncef m’explique le lien qui l'unit aux personnes, aux familles. Bien sûr ce sont des histoires de toutes sortes ou domine la famille, la pêche, les difficultés vécues au quotidien, en particulier dans la situation si fragile à laquelle tous les tunisiens sont confrontés en ce moment.

Et puis j’ai suivi les petits métiers, chauliers, graisseur de serrures et de gonds avant l’hiver et même l’activité de casse-croûtier, dont Moncef est probablement l’inventeur mondial du concept.

Et puis les discussions passionnées avec les pêcheurs et les Raïs dont certaines anecdotes restent vivaces et parfois passionnées. Je me suis particulièrement bien entendu avec son cousin Hedi qui a une vraie tête de pirate proche de Dragut , un physique à la Lino Ventura, un humour décapant qui en fait un personnage très authentique et original.

Moncef m’a fait découvrir presque tous les poissons de saisons, mulets sauteurs, orphies, rascasses, sparers, dorades, sprats, sardines, loups, seiches, poulpes et j’en passe, dans des plats aussi divers que le couscous, la bouillabaisse locale (délicieuse), au bien tout simplement grillés.

J’ai découvert un monde non seulement riche en saveurs de goûts et aussi à l’âme avec d’infinies facettes et de belles personnes qui en font un vrai trésor pour le voyageur à pieds et le passeur que je suis.

Et puis j’ai repris ma route en direction de Tunis ou je serai aussi attendu par sa femme Michelle grande amie de ma soeur Morice qui m'a promis de marcher avec moi une partie de la dernière étape; et sa famille dans ce magnifique endroit qu’est sidi Bou Saïd.

J’ai appris que le dernier jour du mois le 30, je serai rejoins non seulement par André Virazels, mais aussi par Jean-François Duchosal. Après avoir fait un magnifique parcours de plus de 1700 km Assise, et Rome depuis la Suisse, l’Italie, il est actuellement à Naples et prendra donc le bateau vers la Sicile et Tunis pour faire le pont entre le nord et le sud de la méditerranée. Il n’a pu avoir son visa pour l’Algérie malgré une énergie sans limite, mais il nous rejoindra je pense pour la dernière partie au Maroc et en Espagne.

En chemin près de Sidi Bou Ali près de Sousse, j’ai été l’hôte de Akram qui m’a offert gite et couvert. Je ne vous montrerai pas les photos prises de sa femme Amel, et de son amie Riba ou nous sommes devant un excellent vin pour ne pas faire de tort à sa famille et aux amis trop sensibles ce qui reste pour de nombreux musulmans « interdit », mais en revanche une photo devant un plat de Mulet grillé fait avec beaucoup de cœur à mon attention.

je ne peux pas énoncer  toutes les attentions dont je suis quotidiennement l’objet qui se manifestent sous toutes ses formes, mais elles me font toujours chaud au cœur.

Je suis attristé pour tous les tunisiens qui vivent une période extrêmement difficile. Le tourisme activité principale a chuté de près de 60% en deux ans. Le long des sites touristiques, on ne voit que des maisons à vendre ou à louer désespérément sans preneurs. Les activités de service de toutes sortes suivent cette pente. L’activité bancaire a un stock d’impayés et de garanties hypothécaires peu monnayable, un peu une situation à l'Espagnole. Depuis que je suis en Tunisie le Dinar face à l’Euro a baissé de près de 15% en un mois. 

La situation politique est tendue et très instable. Comme illustration, j’ai découvert dans un programme d’une école commerciale un master de « finance islamique ». Je peux le comprendre que seuls les pays Arabes disposant de fortes liquidités peuvent venir en aide soutenir la Tunisie en difficulté. En contrepoint ce soutien ne se fera pas sans concessions aux partis Islamiques qui semblent dominer politiquement actuellement. Cette situation provoque de nombreuses inquiétudes et notamment chez les jeunes soucieux de liberté et de démocratie qui essaient par tous les moyens de tenter leur chance à l’étranger.

Je suis passé avant-hier à Hammamet, hier à Nabeul et aujourd’hui, j’ai terminé mon parcours à Grombalia à deux jours de Tunis.

La suite dans les prochains jours, 

BZZZ à tous,

Matthieu