Cet ouvrage de Gabrielle Nanchen est plus qu'un récit de pérégrination. Il faut l'avoir lu pour comprendre ce qui l'a poussée dès 2009 à créer notre association et à mettre sur pied un colloque à Cordoue en 2010. Il est aussi le fruit d'un travail avec des chercheurs en histoire pour distinguer la part de mythe qui entoure le plus grand but de pèlerinage européen. Les chemins vers Compostelle connaissent aujourd’hui un succès sans précédent. Mais les  de pèlerins qui les parcourent chaque année ignorent généralement que ce pèlerinage mythique s’est construit au Moyen Age pour des raisons à la fois militaires et religieuses. 

Il fallait chasser les envahisseurs sarrasins et se protéger des razzias. Il fallait aussi combattre l'hérésie qui naissait à leur contact (adoptianisme). Né sous d'autres cieux, cet antagonisme entre chrétiens et musulmans perdure. Jacques, l’un des apôtres préférés de Jésus, connu pour son tempérament fougueux (Jésus l'avait surnommé fils du tonnerre) a été choisi comme patron par l’Espagne pour devenir le héraut de la lutte armée visant à repousser les musulmans hors de ce pays (Reconquista). On en a fait le Matamore, le « tueur de Maures ».

Au XXe siècle, c’est à Compostelle que le pape Jean-Paul II exhorte les Européens à construire leur continent en remontant aux sources de leur identité commune. Peu après, c’est le Conseil de l’Europe qui institue solennellement les chemins de Compostelle «premier itinéraire européen ». Il est temps de célébrer des valeurs que l’on reconnaît comme fondatrices de l’Europe: la dignité de toute personne, le respect de sa vocation à la liberté, l’ouverture à l’autre et à la différence. Ainsi l'Europe a fait Compostelle, telle que nous la connaissons aujourd'hui.

A l’heure où le dialogue entre islam et christianisme est devenu plus urgent que jamais, le chemin de Compostelle peut devenir le ferment d’un dialogue nouveau qui passe par la réconciliation. A partir d’une lecture rigoureuse de l’histoire mais aussi de l’expérience vécue par le pèlerin sur son chemin, c’est ce que ce que ce livre propose.

Gabrielle Nanchen