Un long article du journal algérien El Watan rend compte du voyage de Matthieu et de ses compagnons. Il a déjà suscité de nombreux commentaires qui méritent l'attention. Voici le texte de cet article : 

L’Algérie séduit les étrangers, mais fait fuir ses enfants.

Après avoir parcouru, depuis 2011, plus de 18 pays, trois globe-trotters (deux Français et un Suisse), avec leurs éternels bâtons de marche, sont passés il y a quelques jours par Blida. Ils se disent passeurs d’espoir et de paix, dans un pays dont les médias ont assombri outrancièrement l’image durant deux décennies. Ils ont fait l’Europe (côté Méditerranée), le Moyen-Orient et une partie de l’Afrique du Nord. Il leur reste la partie ouest de l’Algérie, le Maroc et Cordoue (Espagne) comme point d’arrivée. En tout, ils ont parcouru environ 12 000 km à pied, avec une moyenne de 30 km/jour. Exception faite de l’ouest égyptien et la Libye, un «tronçon» parcouru via de petits moyens de transport pour des considérations sécuritaires. En Algérie, ils ont visité notamment El Tarf, Guelma, Constantine, Sétif, la Kabylie, la Mitidja…


«Oh que votre pays est beau ! La vallée de la Soummam est un lieu mythique», ont-ils dit lors de leur passage à Blida. «On peut dire que de tous les pays que nous avons traversés, l’Algérie est celui avec lequel on se retrouve le plus en osmose. Il y a plus qu’une histoire d’atomes crochus. Il y a des élans de cœur, des élans de générosité. Tout ça, c’est formidable ! Et si on pouvait donner de l’espoir à certains jeunes qui ont perdu espoir dans leur bercail, si on pouvait être de très petits vecteurs porteurs de joie et d’optimisme, cela nous ferait énormément plaisir», exprime avec joie et assurance Matthieu de Lamarzelle, 65 ans, ex-géographe et économiste de spécialité.
Ce pèlerin-marcheur français puise sa force de la confiance en soi, de la confiance en l’autre et de la confiance en le Tout-Puissant. Il dit s’inspirer beaucoup de la citation de Saint-Augustin : «Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant plutôt que le mauvais d’un pas ferme ».

Pour lui, il y a quelquefois des intérêts qui tendent, pour une raison ou une autre, à falsifier l’information. «Des gens nous ont dit que traverser l’Algérie à pied serait extrêmement dangereux. Cette amplification trouve son explication dans certaines mentalités ou, aussi, à travers de mauvaises informations véhiculées par certains médias. Nous marchons en Algérie pour apporter la preuve que ce pays est " marchable ". C’est un pays qu’on peut visiter dans les meilleures conditions. Nous sommes aussi très très reconnaissants envers l’Etat algérien qui a accepté cette marche, a-t-il témoigné après un séjour de plus d’un mois en Algérie.


« En cours de route, dans le Djurdjura, nous avons traversé des paysages magnifiques avec la particularité de voir accrochés sur des pentes vertigineuses des étages de cèdres qui ajoutaient de la majesté à ce cadre absolument splendide. A Constantine, nous avons été séduits par cette ville entaillée de gorges profondes qui nous a fait penser à Rondo en Andalousie, capitale de la tauromachie, dont les quartiers sont reliés par des ponts », raconte-t-il. Matthieu de Lamarzelle atteste que sa marche a aussi une dimension mystique. C’est pour cette raison qu’il veut rendre hommage à tous ces saints hommes d’Algérie qui donnent de la force au cœur et qui sont un symbole de tolérance et d’amour entre les êtres. « On est là aussi pour rendre hommage à Saint Augustin, l’Emir Abdelkader, les moines de Tibhirine, Sidi Boumediène et également aux martyrs du 8 Mai 1945 », insiste-t-il. Son compagnon genevois (Suisse), Jean-François Duchosal (78 ans), insiste sur une chose : comment répercuter la belle image qu’il gardera de l’Algérie là où il va ? « J’ai fait une trentaine de conférences dans tous les milieux, économiques, religieux, etc. Au retour dans mon pays, la Suisse, je compte, dans le cadre des activités de l’association Compostelle Cordoue dont nous sommes membres, rencontrer des personnalités influentes, des hommes politiques… pour leur raconter la paix qu’on a vue, qu’on a ressentie dans votre pays ».

Appel à la communauté Algérienne en Europe

« L’eldorado n’est pas en Europe, il est bien ici, chez vous en Algérie ». Une expression qui revenait tel un leitmotiv dans la bouche des pèlerins marcheurs, ébahis par la splendeur de l’Algérie et les richesses qu’elle recèle. « Il faut que les Franco-Algériens reviennent dans leur pays pour constater de visu ce qu’il y a comme avancées. Vous les avez formés, cela a coûté de l’argent à l’Etat algérien. Ils doivent avoir donc confiance en leur pays d’origine et y revenir. Je lance un message très fort à toutes les associations algériennes de nous inviter pour donner des conférences et leur dire que votre pays est absolument splendide », déclare Matthieu de Lamarzelle.
« Vous avez un environnement très riche, une qualité relationnelle des plus remarquables, la paix, la joie, la générosité, un pays considéré comme étant le plus riche de la Méditerranée. Tout cela vaut le détour, non ! », ajoute André Virazels, un pilote français de 68 ans, marcheur au long cours. Et d’ajouter : « Mon rêve est de voir les oranges de la Mitidja vendues en Europe ».

Pour Jean-François Duchosal, il s’agit-là d’une mémoire perdue avec laquelle il faut se réconcilier, mais aussi le devoir d’apporter sa plus-value dans l’effort national vers le progrès et le développement. Dans ce sens, il dira : « Ils retrouveront aussi leurs racines, leur mémoire qu’ils n’ont jamais eue. Parce qu’ils parlent de leur mémoire, mais ils n’ont jamais eu de mémoire ‘‘vraie’’. D’ailleurs, j’ai découvert depuis que je suis en Algérie que l’histoire de ce pays que j’ai apprise n’était pas la vraie ». Et de poursuivre : « Votre pays est le plus authentique dans un monde noyé dans la mondialisation et l’uniformisation. Le respect de la personne âgée et des bonnes valeurs est omniprésent chez vous. En plus, l’eldorado n’est plus l’Europe, mais c’est l’Algérie avec ses richesses qui sont à la fois matières premières, agricoles, industrielles. Je suis surpris de voir le nombre d’industriels européens qui sont chez vous et que je n’imaginais pas. Les laboratoires pharmaceutiques, le traitement des eaux... Au niveau industriel, vous avez un traitement de tout ce qui est plastique, aluminium, verre et vous avez, en plus, des universités permettant de le faire. Faites surtout des échanges en convainquant la diaspora formée chez nous, en Europe, de revenir au pays et former les jeunes ». Jean-François Duchosal exhorte les ressortissants des différentes nations établis en Suisse, notamment les Algériens, à «laisser tomber» le confort suisse momentanément pour faire un pas dans la mémoire. «Rien qu’au niveau de la ville où j’habite, Genève, la diaspora algérienne est nombreuse. Mon message pour eux est le suivant : votre pays avance, il progresse et a surtout besoin de vous !»
Le parcours d’un des «pèlerins», Matthieu de Lamarzelle, est raconté sur le site internet de l’association Compostelle Cordoue dont il est membre (http://www.compostelle-cordoue.org/chroniques). Cette association, dont le siège est à Cordoue (Espagne), [ note du webmestre : le siège est en Valais (Suisse)] cherche à créer des conditions favorables à une meilleure compréhension entre personnes d’origines, situations et cultures différentes.


Mohamed Benzerga, Mohamed Abdelli