La vision de l’association Compostelle-Cordoue

L’association Compostelle-Cordoue a été fondée par des pèlerins. Leurs parcours étaient divers mais tous voulaient mettre leur expérience au service d’un « mieux vivre ensemble » entre personnes d’origines culturelles différentes. Notre expérience est d’abord celle de marcheurs et de pèlerins. Le pèlerin est étymologiquement un étranger. Il est par nature un homme ou une femme ouvert à la relation. Le dépaysement et la rencontre de l’autre sont la base de son expérience. Engagés à des titres divers dans la vie sociale, nous avons ouvert ensemble un chemin vers Cordoue. Cette ville a été pour nous comme un phare au moment où nous voulions poser des actes exprimant notre volonté commune de rapprochement entre les héritiers culturels des trois religions abrahamiques. Ensemble, nous sommes venus chercher à Cordoue les racines andalouses de l’Europe.

Nous avons tenté d’y retrouver comment cette ville est devenue un symbole de coexistence harmonieuse et de dialogue entre philosophes et savants de cultures différentes, comment elle a su bâtir des périodes de concorde et de tolérance dont elle a conservé le souvenir mythique sous le nom de convivencia.

Nous sommes partis de Compostelle, tournant le dos à cette ville qui fut l’âme de la Reconquista. Abandonnant l’esprit de conquête, nous avons marché vers une rencontre interculturelle. Nous sommes conscients que 1492 a fait perdre à l’Europe un inestimable capital humain et une part de sa richesse culturelle. Nous avons laissé derrière nous une ville qui, à l’époque où Cordoue brillait sous le Califat, n’était qu’un modeste évêché s’accrochant à un tombeau apostolique à l’authenticité contestée, sans prétention d’ouverture à d’autres cultures.

A Cordoue, nous savions que nous trouverions une bibliothèque, un musée et une ambiance culturelle propre à alimenter nos rêves. La Fondation Paradigma Cordoba, héritière d’intuitions de Roger Garaudy animait ces lieux. Nous y avons trouvé des amis qui nous ont accueillis et aidés. Nous avions aussi appris que pour nos amis musulmans al Andalus les faisaient rêver d’un paradis perdu.

Entre Compostelle et Cordoue, nous avons marché, de deux façons, en solitaires au départ de Compostelle, et en groupe au départ de Mérida puis de Cerro Muriano où des amis musulmans nous ont accueillis pour marcher avec nous la dernière étape, faute d’avoir pu venir plus tôt.

Marcher ensemble, c’est faire ensemble. C’est expérimenter les obstacles au vivre ensemble dans le concret en partageant les difficultés quotidiennes et les aléas du chemin. C’est vivre la convivencia au sein d’un petit groupe et expérimenter les méthodes qui la favorisent.

De Compostelle, nous avions une image masculine symbolisée par les épées de Charlemagne, de l’Ordre de Santiago et du Matamore. Nous laissions derrière nous une cathédrale imposante, signe de l’ambition d’un clergé soucieux d’impressionner par sa richesse et de montrer sa puissance.

Toute autre fut l’image que nous a donnée la Mezquita. Ici la grandeur ne cherche pas à impressionner, elle n’écrase pas par sa masse, elle est invitation à la découverte, à la méditation.

A Cordoue, nous avons eu comme un coup de foudre pour une image qui nous a semblé plus féminine tout en « rondeur ».

Mais notre projet allait au-delà de l’organisation d’une marche. Notre ambition avait une autre dimension. Marcher ne suffisait pas. Il fallait aussi impliquer notre tête, enrichir notre esprit, comprendre l’histoire et en tirer les leçons pour aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons organisé un colloque à Cordoue sous le titre :

Un chemin vers la compréhension et le dialogue

Nous avions mobilisé nos jambes et nos têtes. Notre cœur a battu au cours de rencontres très riches. Nous avons été accueillis par les you-yous des membres de AISA et des scouts  musulmansinvités à Cordoue. Un repas improvisé ouvert à tous les participants nous a mis sur la piste de possibles améliorations de ce type de rencontres.

Constituée pour les actions de 2010, l’association Compostelle-Cordoue devait disparaître. Mais nous avons eu l’intuition que nos acquis méritaient d’être cultivés et promus. Nous proposons de continuer à marcher à la fois sur les chemins de terre et sur les chemins de la connaissance (historique, sociologique, artistique, géographique, philosophique, juridique …). Les premiers nous sont familiers. Nous souhaitons progresser sur les seconds, ouvrir notre réseau de relations, élargir nos horizons. Avec d’autres associations partageant notre ambition de mieux vivre ensemble et déjà actives dans le domaine de l’action interculturelle, nous voulons faire vivre « l’Esprit de Cordoue » par un partage d’expériences et de projets.

En 2010 nous avons eu une déception, pour diverses raisons, nous n’avons pas intéressé les Cordouans au-delà de quelques amis. Mais un germe était semé. De notre entreprise est née à Cordoue, au sein de l’association Paradigma Cordoba, une ambition d’une autre envergure : Faire de Cordoue la capitale mondiale de la Convivencia. Nous nous réjouissons d’avoir été involontairement à l’origine de cette idée et espérons qu'elle se concrétisera.

Notre expérience de 2010 à Cordoue nous a montré que l’on n’assiste pas à un colloque avec les mêmes exigences quand on y arrive après des jours de marche que lorsqu’on y arrive en train ou en avion. La marche excite les sensations et les émotions. Elle rend plus sensible, donc plus réceptif et plus prompt à réagir à la façon dont les connaissances sont partagées. Sa durée et les efforts qu’elle nécessite rendent plus exigeant. Les longs temps de réflexion et les échanges qu’elle procure préparent les esprits.

 Louis Mollaret