En octobre 2010, une trentaine de marcheurs cheminent de Mérida, en Estrémadure, vers Cordoue, 60 km plus au sud, en Andalousie. Trois autres sont partis, deux mois auparavant, de Compostelle. Ils marchent en sens contraire des habitudes. Pourquoi?

L’association Compostelle-Cordoue, franco-suisse et laïque, était née, à l’instigation de Gabrielle Nanchen

C’est qu’ils ne veulent pas célébrer la «Reconquista», au XIIIe siècle, des rois catholiques contre les dynasties arabes installées depuis le VIIIe siècle en Al-Andalus. Ils souhaitent plutôt restaurer la «convivencia», l’art de vivre ensemble et de partager des connaissances entre cultures différentes, dont Cordoue s’est fait le symbole pendant plus de trois siècles. Un congrès réunissant plusieurs fins connaisseurs du monde arabe vient clore cette marche. L’association Compostelle-Cordoue, franco-suisse et laïque, était née, à l’instigation de Gabrielle Nanchen, ancienne conseillère nationale. Trois buts animent les quelque soixante membres actuels: marcher, dialoguer, comprendre (les jambes, le cœur, la tête).

Marcher, c’est l’esprit de Compostelle. Se mettre debout, aller vers l’inconnu, se confronter à l’effort, jouir de la beauté des paysages et de l’hospitalité des habitants: Tanger-Moulay Abdessalam, au Maroc, en 2012; Assise, sur les traces de saint François, en 2013; Ranft-Berne, inspiré par Nicolas de Flüe, en 2014; Macon-Taizé, sur le thème de la réconciliation, en 2017; pèlerinage des 7 dormants en Bretagne en 2018. L’association participe également à des marches locales: vivre ensemble à Cannes, marche interconvictionnelle à Toulouse. Nos marches rassemblent en général des personnes de toute conviction: chrétiennes, musulmanes, juives, agnostiques, athées. Dialoguer, c’est l’esprit de Cordoue, être à l’écoute de l’autre, différent dans l’acte même de se déplacer physiquement et mentalement, notamment dans la pratique des «cercles de conversation» qui, après chaque marche, permettent l’échange fructueux des expériences vécues par les marcheurs de différentes cultures et convictions.

Comprendre, c’est le retour vers l’histoire des contrées traversées, pour témoigner de nos rencontres, en particulier lorsque ces contrées ont été le théâtre de conflits: le chemin de paix de Srebrenica, en Bosnie, en 2015; le chemin d’Abraham en Palestine et Jérusalem en 2016. Chercher à comprendre, c’est aussi participer activement à des rencontres internationales, notamment les Rencontres Orient-Occident du château Mercier, à Sierre, chaque année en juin.

Nous sommes une petite famille de témoins amoureux de la marche, du dialogue et de la joie que procure une compréhension profonde de l’autre , différent. Ce n’est pas sans conflit, lorsque la différence nous déroute, lorsque la compréhension se dérobe. Mais, grâce aussi à nos rencontres internes annuelles, les Printanières, le dialogue reprend toujours et les décisions unanimes peuvent se dessiner.

Rédigé par Alain Simonin, Président de Compostelle-Cordoue

Publié dans la Tribune de Genève le 13 sept. 2018