Merci aux enfants du collège Oscar Romero où nous avons partagé de bons moments, à tous nos amis de Compostelle Cordoue et à tous. J’ai été heureux de retrouver les enfants lors de mon retour à Paris. Je vous souhaite non seulement de vivre pleinement vos rêves mais surtout de les mettre en pratique. Merci de vos dessins qui m’ont fait chaud au cœur. J’ai conscience que ce message ne vous parviendra pas de sitôt, non seulement ce sont les vacances, mais surtout la priorité au foot qui vous passionne tous.
Si vous le permettez je vais faire un bref retour en arrière. Nous sommes partis du Maroc le 1er Avril et non ce n’est pas une plaisanterie et nous nous sommes acheminés vers Cordoue où nous sommes arrivés la veille du Dimanche des rameaux le 12 avril 2014.
Ce qui nous a frappé dans les marques des paysages c’est la continuité des modes de la présence des maures de part et d’autre du détroit. Elle se manifeste partout, dans les noms des lieux, l’architecture, le mode d’organisation des villages. Par exemple plusieurs localités comme Castellar de la Frontera ou encore Jimena de la Frontera Le terme « de la Frontera » (de la frontière). Cela explique l'histoire de cette région.
La frontière indique l'Andalousie mauresque durant huit siècles de présence musulmane (711-1492). Elle a laissé dans la langue espagnole dit-on près de 4500 mots et même s’ils sont moindres chez nous, cette civilisation est très présente aussi dans notre langue. Ne l’oublions pas surtout dans cette période si troublée avec des relents nauséabonds de xénophobie et de démagogie vulgaire et outrancière qui frappent les esprits les plus faibles.
Ces minuscules villages et leurs forteresses, formaient la première ligne de défense séparant les possessions mauresques et chrétiennes. Le terme Maure indique qu’il s’agit particulièrement des types de populations Berbère telles que nous avons pu les voir par exemple en Kabylie, ou encore dans le Rif.
Autrement dit même si l’on nous a appris que les Arabes arrêtés à Poitiers, il s’agissait de populations d’origine Maures (berbères) qui en fait ne sont pas tous partis et se sont métissés dans nos racines et origines et qui nous ont enrichi.
Les villages pour la plupart sont situés sur les hauteurs que nous avons traversées dans la sierra comme Gaucin, Algatocin avant de redescendre vers le rio Guadiaro et s’apparentent à ce que nous avons pu voir par exemple dans la région du Rif.
Dans cette région souvent un château surplombe des ruelles sinueuses, étroites, et étagées le long des pentes aux maisons blanchies à la chaux, étincelantes qui s'ouvrent sur des patios ombragés et frais.
La beauté de ces paysages nous a surpris et émerveillés.
Le terme « Andalus » signifie pierreux et cette touche nous a accompagné tout au long de cette courte traversée jusqu’à Cordoue. Cet aspect sauvage s’accompagne de la présence de rapaces en chasse qui tournoient sur les hauteurs en repérage de leurs proies.
Nous avons, depuis Algesiras jusqu’à San Pablo de Buceite où nous sommes passés lors d’une marche précédente, suivi un affluent du rio Guadiaro et ensuite gravi les sommets de majestueux paysages sur les crêtes, pour redescendre vers le rio à la petite bourgade de Jimera de Libar pour enfin remonter ensuite vers Ronda, sur un très beau chemin fréquenté d’autant plus par les marcheurs Espagnols que les chemins balisés sont rares : ceci est dû à des emprises foncières semble-t-il du temps de l’époque de Franco qui ne permettent plus aux Espagnols de s’approprier vraiment leur territoire.
En effet ce ne sont que barrières, interdictions avec des mentions du type « coto deportivo de caza » avec bien sûr l’injonction de ne pas entrer. Même si l’on essaie d’y remédier aujourd’hui cet aspect reste sensible.
Nous en avions fait l’expérience non sans une pointe d’inquiétude avec André Weill lors d’une reconnaissance d’un parcours entre Tolède et Cordoue.
Un autre aspect m’a également frappé ce sont les retombées de la crise qui frappent particulièrement l’Andalousie. On peut voir dans une localité des banderoles réclamant le maintien du budget à l’école qui nous éclaire sur les purges qui ont été faite aux budgets sociaux pour résoudre les exigences de Bruxelles. Et puis nous avons appris que l’on estime à environ 37% de la population en âge de travailler est en chômage. Des carences alimentaires de mal nutrition ont conduit le gouvernement de la région à majorité à distribuer aux enfants de famille les plus démunis des paniers repas à emporter. De nombreuses habitations sont à vendre (« se vende ») y compris dans les villes.
Ronda
Et puis nous sommes arrivés à Ronda après une étape de plus de 30 km par le bas. Cette ville est construite sur une citadelle de pierre de près de 500m sur les hauteurs qu’il nous a fallu gravir non sans efforts surtout après une étape de plus de 30 km. Cette magnifique ville coupée en deux par le profond ravin d'El Tajo est de toute splendeur et a inspiré Ernest Hemingway. J’avais évoqué une analogie avec Constantine en Algérie qui vous avait déjà été contée dans un précédent courrier. Cette ville capitale de la tauromachie est un pôle très visité surtout en fin de semaine et c’était le cas. Cet aspect nous avait fait craindre surtout à une heure avancée de la soirée, mais pas longtemps, quelques difficultés pour trouver un logement que la providence nous a gratifié.
Un temps radieux, des préparatifs de fête lors de la « semana santa » et puis mon compagnon de marche a égaré son carnet de tous ses contacts sans copie. Malgré les démarches, il en a fait son deuil non sans un peu d’amertume, après avoir épuisé toutes les tentatives pour le retrouver.
Nous avons repris la route en direction de Cordoue. Les routes était agréables, peu fréquentées en proie à une méditation tranquille.
Et puis nous avons été assourdi par des bruits de voitures de course dont leurs pilotes de type riches play boy chauffaient les moteurs en allant et venant avant de se lancer sur le circuit privé Ascari, que nous avons découvert un peu plus loin. Bon je me suis renseigné, la journée de pilotage est de 4500 € jour pour la série grand tourisme, par contre pour la F1 c’est autre chose budget pour s’initier sur Lotus Elise, BMW, Radical SR3, Lola F3 and est à partir de 20 000 € avec un logement dans un resort de luxe avec golf à proximité etc.
Le contraste avec la réalité de ce vit la majorité des Andalous que nous avons évoqué précédemment est pour le moins saisissant….
De Ronda nous sommes redescendus vers Saucejo, Osuna, Ecija, La Carlota et avons été confrontés aux paysages de côtes et de plaines à dominante céréalière.
Très bonne nouvelle Marie Jo la femme de Jean-François lui informe que son carnet a été retrouvé et lui a été réexpédié. Et oui la providence…
Cordoue
Avant de redescendre sur Cordoue non avons partagé notre dernière boite de sardine, et jusqu'au bout nous avons pu garder notre esprit de pèlerins.
Notre arrivée par Cordoue s’est faite par le pont dit Romain et la tour Mauresque de la Calahora. Avec bien sûr la traditionnelle photo de fin de voyage. Le sentiment d’accomplissement d’une phase terminée s’accompagne toujours chez les marcheurs sur de longues distances d’une pointe à la fois d’émotion et de nostalgie.
Et puis devant établir nos quartiers pour se préparer à la tenue d’une conférence Margarita nous a offert une fois de plus chaleureusement son gite et sa magnifique présence. Elle nous permet de toujours mieux comprendre la culture Espagnole et également les nouvelles de la ville et de l’Espagne en temps de crise.
La frénésie de la semaine sainte s’est installée. J’ai été frappé par cette immense organisation qui mobilise des milliers de participants bénévoles. On dépense sans compter et les budgets les plus serrés en temps de crise ici ne souffrent pas. Chacun y a sa place depuis les porteurs d'eau, les pénitents selon un ordre et une hiérarchie établie, les personnes chargées de la sécurité des passages, les gros bras dont les équipes sous les chars peuvent se retrouver à près de 50 personnes dans une atmosphère confinée pour soulever collectivement les "pasos" dont le poids peut se mesurer en tonnes etc.
Chaque cortège concerne une confrérie dont le nombre peut concerner 500 participants, sans parler de tous ceux qui ont contribué à cette gigantesque mise en scène.
Les fanfares jouent selon le tableau des musiques lancinantes. Le réalisme des scènes est parfois saisissant. La représentation du christ sanguinolent pourrait s'apparenter " A la passion du Christ de Mel Gibson" La présence de femmes en habit traditionnel de noir vêtu ajoutant une note de tristesse, de sérieux et de dignité.
Je me suis rendu compte que le « capirote » ce long chapeau pointu repris également par d’autres a une origine du temps de l’inquisition qui est restée très active et encore présente dans les années au 19ème siècle.
Et puis l’un des clous de ces journées de procession, les légionnaires du primer Tercio de Melilla dont l’un des tout premier commandant fut le général Franco, sont également de la fête. Ils participent à la confrérie «de la Caridad » depuis 1951" Ils se remarquent par leur uniforme ouvert sur la poitrine, leurs tatouages tolérés et chantant lors des cérémonies « Somos les novios de la muerte » autrement dit : « Nous sommes les fiancés de la mort » ce qui semble pour le moins surprenant dans cette atmosphère recueillie, mais qui semble soulever aussi la fierté de nombreux participants.
En ces périodes de crise la démonstration de force rassure certains mais pour beaucoup d’autres et j'en fais partie, c'est tout le contraire.
Durant toutes ces journées tardives dans la nuit nous avons été aussi frappé par la tranquillité de cette foule immense, familiale et bon enfant qui peuvent attendre des heures le passage des cortèges qui peuvent parfois durer une bonne partie de la nuit. Bien que les démonstrations de dévotion semblent s’amenuiser au fur et à mesure des nouvelles générations, le cœur de l’Espagne bat encore au rythme de sa religion
Nous avons eu la joie de retrouver André qui est arrivé pour nous retrouver et participer au nom de l´Association Compostelle Cordoue.
Nous avons été aussi frappés par la tranquillité de cette foule immense, familiale et bon enfant qui peuvent attendre des heures le passage des cortèges qui peuvent durer une partie de la nuit.
Nous été conviés à donner cette conférence dans le lieu mythique de la tour de la Calahorra: Nous avons eu la surprise d'y voir aussi Salma la femme de Roger Garaudi qui nous a offert de participer à un repas chez elle.
Le lendemain nous avons tous fait les honneurs de la presse en 4ème de couverture qui a scellé cet événement qui nous a fait plaisir.
Nous nous sommes rendus dans la très belle maison qui tient lieu également de musée. Au cours de ce magnifique repas, nous avons pu aussi voir deux jeunes femmes dont une très belle jeune Saoudienne, très souriante avec grand chapeau. Pour moi, c’est une première rencontre de femme non voilée de ce pays si traditionnel et peut être une petite fenêtre sur un avenir plus souriant de la condition des femmes.
Et puis nous avant de terminer cet événement dans un restaurant Sépharade avec Margarita pour sceller tous ensemble une belle et profonde amitié, nous sommes passés chez Isidro Président de l’Association des Amis du chemin Mozarabe qui m’a donné le conseil de ne pas engager de reprise après le 15 juin, en clair le lien est trouvé et c'est pourquoi, je suis engagé maintenant sur la dernière ligne qui va me mobiliser durant un peu plus de trois mois temps de pose non compris.
Je salue André mon frère de marche, même si nos chemins au même moment semblent différents, l’esprit demeure.
Et pour nous tous vive Compostelle Cordoue….
BZZZ