Dans sa communication lors du Forum de Cordoue en 2010, le Cheikh Bentounes nous invite à prendre conscience que nous sommes dans l'unité et à passer de la culture du je à la culture du nous.

 

Œuvrer pour le bien de la société au sein de l'humanité

Mesdames et Messieurs, Chers amis, bonsoir. Réunis dans cette magnifique ville de Cordoue, lieu de mémoire, lieu de miroir et d’histoire partagée, ce colloque Compostelle Cordoue, nous invite sur le chemin à prendre ensemble vers la conciliation et le dialogue.  A la question qui est posée : « la convivialité est-elle possible ? », la réponse sage serait de répondre oui ! Qui d’entre nous ne souhaiterait pas vivre dans un monde où la convivialité, l’altérité, l’échange, la solidarité enfin la fraternité seraient à la base des relations humaines pour un vivre ensemble nourri de valeurs universelles. Car la valeur d'une civilisation, fût-elle la plus avancée techniquement, ne se mesure pas à la puissance des moyens matériels qu'elle met au service de l'homme, mais bien à la hauteur où elle élève l'âme humaine. Œuvrer pour le bien de la société au sein de l'humanité devient une nécessité, un impératif, et non un devoir moral ou religieux.

 

Mais la question est comment y arriver ?  Et quelle attitude adopter face aux défis nombreux de notre époque ?

 

Aujourd'hui, le sens et les valeurs humaines doivent être au centre de nos préoccupations. Comment éveiller en l'homme cette prise de conscience ? Comment l'enraciner, la développer ? Cela ne peut s'accomplir que par un attachement profond à cette origine commune: la fraternité adamique.

 

A chacun d'entre nous s'impose un choix, le choix des chemins et des solutions qui s'offrent à nous pour gérer le présent et anticiper l'avenir. Chacun est mis en face de sa responsabilité, de sa liberté et de son rôle dans la vie et dans le monde devant les conflits actuels. Tous les acteurs de la société (politique, culturel, économique, social, scientifique, religieux, médiatique, etc.) sont invités à réfléchir et à agir ensemble en partenaires égaux et responsables. Une réforme intérieure, indépendante de tous préjugés (raciaux, culturels ou religieux) est nécessaire pour développer et accompagner une humanité naissante, aux vertus et aux valeurs universelles faites d'amour et de fraternité...  A l'Homo sapiens succède l'Homo communicans, qui évolue dans un nouvel espace anthropologique.... cette mutation intensifie notre intelligence collective : chacun sait quelque chose; nul ne sait tout; l'échange est la clef de tout progrès.

 

Face à de nouvelles perspectives qui s'offrent à nous comment mettre de l'ordre dans ce désordre à travers des informations de plus en plus nombreuses ? Comment permettre à cette intelligence collective de participer au développement personnel et individuel vers une gestion plus responsable par un consensus général et un consentement mutuel en prenant en compte la diversité culturelle-religieuse avec tout le poids du passé qui la rattache à des traditions et des coutumes parfois antagoniques ?

 

Nous sommes dans l'unité

Il faut enseigner aux générations à prendre conscience que nous sommes dans l’unité. Tout est dans l’unité : l’animal, le végétal, le minéral. Les origines de l’homme sont ces trois règnes en même temps. Le vivant se maintient en passant du minéral au végétal, puis du végétal à l’animal, pour finir par l’homme. La chaîne de vie est bouclée.

 

Il faut se rappeler cette unicité et entretenir cette présence en nous, comme une relation permanente à l’autre. C’est ainsi que l’homme s’humanise, sinon il devient un animal à l’intelligence perverse et son comportement n’a plus d’unité avec lui-même. Il pose alors des questions : qui suis-je ? Où vais-je ? Il est en totale opposition avec lui-même et ses semblables. Si la conscience qui a différencié l’homme des autres créatures, n’existe plus alors la sagesse de nos rapports à la politique, au social, à l’économie, etc.,  diminue. En effet tout devient intérêt, fondé sur les désirs individuels et égoïstes. Or c’est la sagesse qui commande l’intérêt général, qui n’est autre que l’intérêt du vivant. Si celle-ci s’en va, la raison déraisonne. La vie dans notre société devient une compétition aveugle, à l’âme insensible. Seule la loi du marché, c’est-à-dire la loi du plus fort, existe et peu importe les conséquences. La Terre, qui est vivante, réagit au vivant qu’elle porte en elle.

 

Passer de la culture du je à la culture du nous

Pour revenir à la question essentielle : « reste-t-il encore pour construire ce vivre ensemble une humanité capable de le réaliser ? ». Il est de notre devoir de repenser le problème à travers une nouvelle prise de conscience qui nous permet de passer de la culture du je vers la culture du nous. Cette culture du nous qui nous met à égale dignité, à égale responsabilité autour d’un même centre d’intérêt, l’avenir, la préservation de l’homme et du milieu vivant qui le nourrit.  

 

Un formidable terreau

Par rapport à tous ces défis qui nous semblent aujourd’hui insurmontables, notre engagement personnel et collectif, notre espérance commune, la sagesse de nos messages spirituels doivent rester inébranlables car ils sont le formidable terreau pour puiser l’énergie créatrice de cette nouvelle conscience du monde à venir.

 

Cheikh Khaled Bentounes