Deux contributions de participants à la marche en Palestine organisée par Compostelle-Cordoue en ce début du mois de novembre 2016 : Michel Rouffet répond à la question " Pourquoi cette marche en Palestine ? " et Alain Simonin invite à méditer sur des signes d'espérance à partir des prénoms des deux fils d'Abraham, Isac et Ismael.
Marche et rencontres en Palestine et Israël. Pourquoi ?
Marcher avec un rire intérieur et une écoute attentive
Il m'est venu ces derniers jours une réflexion étrange qui m'a permis d'installer en moi une attitude profonde qui pourra, peut-être, me guider pendant cette marche en Palestine. Vous sachant proche de ce questionnement, je partage cette réflexion, que j'ai aussi envoyé à quelques amis restant en Suisse et qui partagerons ainsi à distance notre marche.
Il m'a semblé que nous devions nous préparer non seulement sur un plan politique mais aussi sur le plan de l'histoire profonde. Et replonger quelque peu dans les textes fondateurs du Chemin d'Abraham. Cette plongée m'a personnellement beaucoup apporté, notamment un épisode en particulier. C'est l'épisode de l'accueil des trois anges au rocher de Mamré près d'Hébron, que nous visiterons (si le contexte politique du moment n'y fait pas obstacle), ainsi que les épisodes des naissances successives d' Ismaël et d'Isaac, de deux femmes différentes, Sarah et Hagar. Au rocher de Mamré, les trois anges annoncent à Sarah qu'elle aura une descendance. "Avancée en âge", elle n'y croit pas. Tellement pas qu'elle rit (d'elle-même) en cachette. Mais les anges ont entendu ce rire et l'interrogent. Ils la grondent même d'avoir menti sur son rire qu'elle a voulu cacher. Le miracle c'est que son fils s'appellera Isaac, ce qui veut dire "Il (Dieux) a ri". Un rire profond, une certaine joie s'est donc insinué de manière surprenante dans le texte sacré de nos origines. Si l'on sait, d'autre part, que l'autre fils d'Abraham (né précédemment de sa servante égyptienne, Hagar) s'appelle Ismaël, ce qui veut dire "Dieu entend", on est encore plus étonné.
J'ai alors pensé que nous avions là deux indices pour continuer d'espérer malgré tout en ce qui concerne le conflit sans fin entre israéliens et Palestiniens, dont nous allons être les témoins lors de cette marche. En effet, ce texte de l'Ancien testament et de la Torah, présente Dieu qui " rit ", et aussi Dieu " entend". Ces deux mots, ces deux attitudes, sont venus ces jours-ci éclairer mes journées de préparation de cette marche. Au quotidien, je peux " rire ", même des choses les plus graves, puisque Dieu rit en moi. Certes discrètement, intérieurement. Je peux aussi " entendre ", ce qui se dit en moi-même, mais aussi chez les autres, mes voisins, dans le secret de leur coeur. Puisque Dieu entend en moi. On peut appliquer cela, m'a-t-il semblé, aussi au contexte de ce conflit désespérant entre deux peuples, les Israéliens, descendants d'Isaac et les Palestiniens, descendant d'Ismaël. Ne pas perdre de vue ce rire, cette joie au quotidien qui les unissait il n'y a pas si longtemps (avant que les sionistes n'envahissent progressivement leur territoire), ne pas perdre de vue cette entente (s'entendre) qu'il partageaient dans leurs villages et même à Jérusalem. Il suffit de lire comment Elias Chacour (le prêtre melkite né en Cisjordanie, voir son "Frère de sang") raconte son enfance avant l'occupation juive de 48, pour ressentir cette joie et cette entente partagées entre ces deux peuples avant le drame de la séparation. Elles sont toujours là, cette joie et cette entente, cachées au fond de leurs coeurs meurtris ou endurcis, même au travers des bombes et des check point. Alors, je me suis dis que nous pourrions marcher sur ce chemin d'Abraham avec cette même attitude, de rire discret et d'écoute empathique, et qu'elle pourra peut-être, secrètement au fond de nos coeurs, réjouir nos hôtes du désert et des villes de Palestine et de Jérusalem.
Bien sûr ces deux peuples frères sont aujourd'hui tellement loin d'une réconciliation, qu'imaginer du "rire" et de "l'entente", parait presque déplacé. Mais je crois que les gens que nous allons rencontrer, deux peuples à même leur terre, sont plus proches l'un de l'autre que ce que nous en disent les médias et les politiques.
Alain Simonin, Genève nov 2016,
Alain a envoyé un document présentant le mythe du Chemin d'Abraham, dans les trois traditions monothéistes et des extraits des textes fondateurs de la tradition abrahamique. Vous le trouverez sous le lien suivant